Vivre et l'écrire

Vivre et l'écrire

Ce que je pense, ce que je suis...

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A propos de l'article qui m'était consacré lundi dernier dans La Provence, je voudrais apporter quelques précisions et rectifier certaines choses... Bien sûr il a fallu que mes parents se battent dans mes jeunes années pour que je puisse bénéficier d'une scolarité et d'une vie normale. mais qui de nos jours n'a pas à se batte pour faire valoir ses droits ? Il n'y a que le résultat qui compte. Et le résultat est que j'ai pu suivre de la maternelle à l'université une scolarité normale là où tant d'autres, pour diverses raisons, en France et de par le monde, n'ont pas eu la même chance que moi.

 

Aujourd'hui j'ai un emploi stable et un salaire qui me permet de subvenir à mes besoins, un travail dans lequel je m'épanouis, alors que tant d'autres sont au chômage, ou bien doivent cumuler deux emplois pour pouvoir joindre les deux bouts, ou encore sont victimes de brimades et de harcèlement de la part de leurs collègues ou leurs supérieurs hiérarchiques. Je suis issue d'un milieu familial modeste, mais d'un point de vue affectif très favorisé puisque j'ai eu la chance d'être comblé par l'affection de mes parents, de mon frère et de ma famille (au sens large), alors que tant d'autres enfants sont délaissés, abandonnés, haïs, battus ou violés par les membres de leurs famille... Sur le plan affectif, je me considère donc comme quelqu'un de très privilégié (Oui bon d’accord, j’avoue que pouvoir tenir une femme dans mes bras ajouterais quand même beaucoup à mon bonheur !). Alors non, je ne me reconnais pas lorsqu'on écrit à mon sujet que "la vie n'a pas toujours été facile" pour moi.

 

Deuxième chose : Je n'ai pas botté en touche lorsqu'il m'a été demandé si ce genre de manifestation s'ouvrant aux personnes à mobilité réduite était une bonne chose. D'une par parce que ce genre de manifestation est ouverte à tous et que je m'inclus dans le "tous", il n'y a donc rien d'étonnant à ce que je me sois retrouvé embarqué dans l'aventure. Le journaliste me disait que l'on pouvait s'étonner de voir une personne à mobilité réduite pratiquer une activité dite "extrême". J'ai alors simplement tenté de lui faire comprendre qu'à partir du moment où certaines activités bénéficiaient d'aménagements, ces activités pouvaient devenir praticables par une personne handicapée. Bien sûr ça ne veut pas dire non plus qu'il suffit d'aménagement pour que l'on puisse tout faire. Mais si limites il y a, chacun a les siennes, indépendamment du statut de personnes handicapées qui n'est qu'un vocable qui regroupe des situations très différentes les unes des autres. Et ces limites ne sont pas forcément celles que l'on nous impose et certaines d'entre elles sont franchissables.

 

En 1953, Edmund Hillary et Tensing Norgay étaient les premiers à atteindre le sommet de l'Everest. Avant eux, cela pouvait paraitre une chose irréalisable. Avec eux, la chose passa pour un exploit unique en son genre. Après eux d'autres les imitèrent et aujourd'hui, atteindre le sommet de l'Everest est à la portée de beaucoup (avec un solide entrainement et une bonne connaissance du terrain bien sûr !). Hillary et Norgay ont ouvert une voie dans laquelle d'autres se sont engagés après eux. En 2006, Mark Inglis, double amputé des membres inférieurs a gravit à son tour le somet en étant équipé de prothèses. Avant lui, cela pouvait paraître une chose irréalisable. Avec lui, la chose pour un exploit unique en son genre. Après lui , atteindre ce sommet sera à la portée d'autres personnes porteuses d'un handicap. Inglis a ouvert une voie dans laquelle d'autres pourront s'engager après lui.

 

Et c'est exactement la même chose pour une personne valide ! Si une personne en pleine possession de ses capacités physique peut pratiquer telle ou telle activité, ce n'est pas parce qu'elle est valide mais parce qu'elle dispose d'équipements adaptés à sa personne qui lui permettront ainsi de pratiquer l'activité en question. Et puis lorsqu'on parle des personnes handicapées on a tendance à croire que cet handicap nous touche de la tête aux pieds. Et ce n'est pas forcément vrai. Dans mon cas, mon handicap ne touche que mes jambes. Or de quoi ai-je avant tout besoin pour pratiquer une descente en tyrolienne ? Mes bras. Pour pratiquer la tyrolienne, la vraie question n'est donc pas d'avoir ou non ses jambes, mais de pouvoir ou non surmonter sa peur du vide et d'être ou non sujet au vertige. Et sur ces questions là, personnes valides et handicapées sont toutes logées à la même enseigne. Donc titrer que "Malgré son handicap, il a pu tester l'installation" est un non-sens en ce qui me concerne. C'est un peu comme si voyant un pote avec une jambe dans le plâtre, je lui demandais si cela ne l'handicapait pas pour écrire... A moins que le pote en question écrive avec ses pieds, je pense que non !

 

Et si devenir "ambassadeur du handicap" ne m'intéresse effectivement pas, ce n'est pas parce que je me désintéresse des problèmes liés au handicap ou que je refuse de me faire le porte-parole d'une communauté. C'est d'abord parce qu'être "ambassadeur du handicap", je ne sais pas vraiment ce que cela veut dire au juste ! Je ne pratique pas une activité pour prouver quoique ce soit à qui que ce soit. Ce serait sans fin et je me verrais condamné à faire des choses dans le seul but de prouver qu'une personne à mobilité réduite peut faire ces choses "malgré son handicap" au détriment de mes envies réelles. Je ne le fais que pour satisfaire mon envie et mon propre plaisir, pour transmettre aux autres ce plaisir et cette envie pour ensuite pouvoir les partager avec les autres. Et quand je parle de partage et de transmission, ce sont des choses que je voudrais destiner à tous, sans tenir compte de la condition physique, du sexe, de l'âge ou de la couleur de peau des personnes qui m'entourent.

 

Mon handicap n'est pour moi qu'une de mes caractéristiques physiques parmi tant d'autres, au même titre que ma couleur de peau, ma taille ou mon poids. Ce que je veux, c’est être avant tout considéré comme un homme à part entière qui vit sa vie le plus pleinement possible et non comme une personne handicapée sans cesse obligée de parler de handicap chaque fois qu’il pratique une activité qui sort un peu des clous. A force de stigmatiser le handicap, on se retrouve avec un résultat contraire à nos attentes. Ce que vont en retenir les gens, ce n'est pas l'activité en elle-même mais le fait qu'elle a été pratiquée par une personne handicapée.

Tout cela pour enfin dire que je n'ai de "leçons de vie" à donner à quiconque. Je considère simplement que les autres ont à apprendre de moi, tout comme moi j'ai à apprendre d'eux. La découverte, l'échange de nos expériences et leur partage, voilà ce qui est le plus important à mes yeux.

 

Publié sur Facebook le 12/10/13



21/10/2015
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